Commentaire du texte d'orientation, préambule au questionnaire :quel collège pour l'an 2000?
 
Ce texte officiel fixe le cadre idéologique du prétendu débat dans lequel doit se dérouler la consultation ; la note du Recteur Losfeld de l'Académie de Nancy-Metz aux principaux est nette : c'est l'occasion pour vous (...) de saisir cette opportunité de concertation pour réexaminer votre projet d'établissement ; Ce projet doit s'ancrer dans les orientations nationales et académiques tout en prenant en compte les spécificités de votre  établissement; C'est pourquoi, certaines formules répétitives et insistantes méritent un
examen critique avant toute réponse précipitée au questionnaire qui limite considérablement la portée du débat nécessaire avant toute reconstruction du collège. ( les mots en gras sont signalés par nous)
Le devenir du collège nécessite une réflexion commune (p2)...c'est au collège que se forge pour une grande part la cohésion de la société et que se transmettent les mêmes valeurs communes à tous les enfants de la République...(p1) la vocation du collège est celle d'une formation commune à tous (p1)... parce qu'il fait partie de l'école obligatoire, le collège assure des compétences communes à tous les élèves (p2)...il doit faire acquérir les
savoirs communs indispensables à chaque futur citoyen !p2)..Le temps du collège est celui de l'école républicaine, de l'école commune à tous les enfants...le collège ne doit pas creuser les écarts, il doit s'employer à les réduire (p2)..les parents devront partager ces objectifs (p3)... Le collège doit permettre aux élèves d'accéder à une appréhension globale du monde (p3) ...il doit donner la capacité de relier les connaissances entre elles (p3). Construire la cohésion citoyenne (p4)... l'éducation à la citoyenneté requiert la participation des élèves à la construction des règles communes (p5). Donner du sens aux études, un socle commun de savoir, savoir-faire et être (..) mettre en oeuvre une évaluation qui prenne en compte l'ensemble de ces compétences, telle doit être notre ambition...C'est au collège que la violence se nourrit de l'échec scolaire, que se joue l'intégration et le lien social (p5.).
Dans ce texte, les mots « instruction » et « transmission des connaissances » brillent par leur absence ; seules, les mêmes valeurs communes sont à transmettre ; tout naturellement, c'est l'école qui est devenue obligatoire et non plus l'instruction ! Les citoyens qui le souhaiteraient n'auraient-ils déjà plus le droit d'instruire eux-mêmes leurs enfants ? L'objectif essentiel n'étant plus d'instruire, il s'agit donc de modifier la
société par l'école, projet jugé dictatorial par L.Lurçat dans son livre Vers une école totalitaire, laquelle cite à ce sujet H. Arendt, « la crise de l'éducation » », in La crise de la culture, Gallimard, 1972 (v.p. 152/153). L.Lurçat montre que selon P.Meirieu (v. L'école ou la guerre civile, Plon, 1997 ) l'école républicaine aurait essentiellement pour fonction de neutraliser les facteurs de guerre civile à l'oeuvre dans la société. L'insistance du champ lexical de la communauté et de la cohésion dans le texte ci-dessus prend ainsi tout son sens;  ces mots empruntés au langage militaire signifient pour P.Meirieu fraternité républicaine par opposition à l'égoïsme privé qui serait à l'oeuvre dans l'école française existante, selon lui libérale : « dans l'école libérale, il ne s'agit plus d'apprendre à comprendre le monde et à vivre ensemble, l'important est de tirer son épingle du jeu
(p79) ...Quelle fraternité ? Les élèves qui échouent et ceux qui s'en sortent ont-ils quelque chose de commun? Peut-on se sentir le frère, le concitoyen de celui qui ne réussit qu'à votre détriment ? (p83) »
Contre l'appropriation individuelle des connaissances qu'il considère donc comme la satisfaction individuelle d' intérêts privés au sein du libéralisme scolaire - une véritable violence! - le collaborateur de notre ministre préconise l'appropriation collective des savoirs : « la construction des savoirs est indissociable de la construction de la collectivité apprenante » ; d'où la nécessité de construire des projets éducatifs communautaires en
favorisant une hétérogénéité maximale, car « pour notre part, écrit-il encore, nous faisons clairement et absolument le choix de la prééminence absolue du politique » : l'école Allègre-Meirieu est avant tout le lieu de la socialisation politique !
C'est ainsi que l'apprentissage de la citoyenneté est dénaturé en apprentissage d'une convivialité obligatoire rendue urgente par la dégradation des rapports sociaux ( dont les causes sont extérieures à l'école et non sans rapport avec les ravages du libéralisme économique) . Plus grave encore, cette vision de la citoyenneté envisagée sous l'angle de la cohésion citoyenne prétend faire participer les élèves à la construction de règles communes (p5) : dans une période où, de l'avis de tous, une grande part de la jeunesse des collèges manque de repères et de cadres, l'institution se démettrait de son autorité en se refusant à fixer seule et à faire appliquer les règles de la vie collective qui s'impose à des mineurs ! cet acte d'abandon éducatif ne peut qu'aggraver l'insécurité psychologique réellement existante chez nos élèves ; seule, une loi extérieure à soi-même est sécurisante et peut permettre la transgression ; or, celle-ci est importante pour la construction
de la personnalité et l'apprentissage de la liberté ; les règlements intérieurs des établissements ne doivent donc pas être négociés avec de jeunes élèves.
De plus, sur le plan politique, c'est l'idée de contrat que l'on tend à substituer à celle de
loi ; or, la loi républicaine ne se négocie pas : elle est une et devrait s'appliquer à tous de la même façon ; si elle est mauvaise, il appartient au citoyen de la critiquer et d'oeuvrer pour la changer. Les élèves des collèges n'étant pas encore des citoyens, le rôle de l'école
républicaine est de leur faire connaître la loi selon le point de vue juridique, mais aussi selon le point de vue historique, seul capable de montrer les réalités politiques en devenir, donc perfectibles ; par conséquent, elle doit aussi leur donner les outils critiques nécessaires à leur transformation.
Enfin, par la pratique d'une hétérogénéité maximale , par la substitution d'une culture commune minimale à une culture savante de haut niveau dispensée à chacun , par la construction d'une cohésion dite citoyenne, on massifie la jeunesse qu'on veut doter d'une pensée commune ; P.Meirieu imagine ainsi construire le « sursis à la violence »; il faut gommer les talents et les réussites individuelles (réduire les écarts p2), germes de toutes les violences .Ce ne sont plus des citoyens libres de leur pensée et de leur volonté que l'on veut former, mais des élèves formatés, disponibles à toutes les formes d'aliénation.
Par ailleurs, en contraignant les professeurs au travail en équipe par le biais des projets, on veut également homogénéiser les pratiques pédagogiques et mettre sous tutelle les esprits libres tout en tentant de casser la seule référence commune légitime et nécessaire, à savoir les programmes et les diplômes nationaux.
En soulignant l'insuffisance de connaissances sans liens entre elles (p4), en encourageant les travaux interdisciplinaires, on prétend donner à l'élève une culture cohérente pour lui permettre d'accéder à une compréhension globale du monde (p3) : On présuppose ici a priori l'incohérence de l'enseignement disciplinaire dont on voudrait faire croire qu'il procède par empilements successifs et juxtaposition de matières étanches les unes aux autres et non de manière méthodique, raisonnée et progressive ; s'il y a redondance ou accumulations parfois superflues, c'est au niveau de la cohérence des programmes et des
instructions officielles qu'il faut agir. En revanche, les projets interdisciplinaires, eux, pratiqués depuis un certain temps semblent bien conduire à une déstructuration et à un abaissement du niveau général des connaissances de base ; celles-ci n'étant plus transmises avec rigueur et progressivité selon les règles propres à chaque discipline par des spécialistes, deviennent lacunaires, superficielles et sont mal assimilées ;
d'ailleurs les parcours diversifiés interdisciplinaires sont très souvent abandonnés par les professeurs au profit d'initiatives nouvelles au sein de leur propre discipline ; les jeunes élèves sentent d'ailleurs confusément le manque de sérieux de toutes ces fantaisies pédagogiques !
Il semble donc que l'interdisciplinarité soit surtout le prétexte à préparer les professeurs à la polyvalence et à la déqualification (v. L'annonce d'un examen transdisciplinaire envisagé dans la formation des professeurs dans ce texte d'orientation p3 ) et à leurs nouvelles tâches d'animateur ou de chef d'orchestre ( v. La charte pour l'école du 21e siècle qui dépouille l'instituteur de ses compétences ) et l'élève à son nouveau rôle d'autodidacte
tâtonnant seul pour construire son savoir , c'est à dire au mieux pour s'auto-informer grâce aux nouvelles technologies qui s'engouffrent sur ce juteux marché éducatif (v. à ce sujet un texte sur notre site internet) Il faudrait s'interroger aussi sur le sens d'un accès à une compréhension globale du monde : s'agit-il d'accéder à une conscience planétaire ? Par cette conception holiste de la connaissance, n'oublie-t-on pas un peu vite que chez de jeunes élèves, il faudrait d'abord vérifier les fondements de l'édifice c'est-à-dire renforcer les connaissances élémentaires dramatiquement défaillantes pour un grand nombre d'élèves à l'entrée en sixième ? En les plaçant d'emblée face au monde, ne risque-t-on pas de brouiller les repères identitaires premiers , de décourager le futur citoyen qui se définit d'abord par son appartenance à un État-Nation et de déréaliser toujours plus un monde trop souvent perçu par les enfants comme virtuel ?
En conclusion, l'idéologie fusionnelle des « sciences de l'éducation » (représentée par P.Meirieu, conseiller du ministre nommé récemment directeur de l'I.N.R.P.,) qui anime toutes les réformes en cours et l'esprit de cette consultation en particulier, rompt avec les principes républicains et démocratiques qui devraient fonder toute transformation de l'école. Parce que nous nous méfions de la pensée communautaire et que nous demeurons des citoyens séparés et libres, nous appelons donc tous nos collègues à se prononcer individuellement et à faire parvenir leurs contributions sur notre site internet ou à l' adresse suivante :
École et République 
- Collectif d'action et de réflexion - BP.3373 -54015
Nancy cedex http://www.geocities.com/Athens/Troy/9411/ - Cotisation : 50 F.
 
Notre association École et République appelle également à participer à toutes les grèves et manifestations prévues dans la semaine du 15 au 20 mars, à l'appel des différents syndicats (en particulier, manifestation nationale à Paris le 20 mars), aux côtés de Reconstruire l'école, de la Coordination des établissements du Nord-parisien, du Collectif anti-Allègre, de l'Assemblée des établissements du 93.
Nous exigeons :
 
 
Pour plus d'information sur ce texte ou sur l'association, contactez
mechantloup@geocities.com
 
 
 
 

...