MANIFESTE POUR UN LYCÉE
DÉMOCRATIQUE
DIX PROPOSITIONS POUR UNE AUTRE POLITIQUE SCOLAIRE
La personne de C. Allègre est, chacun le sait, de plus
en plus contestée. Mais sa politique passe encore, aux yeux de beaucoup,
pour avoir un principe incontestable: le "lycée du XXIe
siècle", avec ses nouveaux publics lycéens, ses savoirs nouveaux
et toujours renouvelés, exige "la réforme" du lycée
actuel.
Cette idée dominante soude derrière C. Allègre
le gouvernement, les partis de la gauche plurielle, les médias dans
leur ensemble, les associations de parents d'élèves et même
un certain nombre de professeurs. Et comme toute idée dominante,
elle a réponse à tout. Luttes scolaires en Seine-Saint-Denis
? Elles n'appellent, dit le gouvernement, que des ajustements budgétaires
mineurs. Ample mobilisation des professeurs des Classes Préparatoires
aux Grandes Écoles (C.P.G.E.) ? "Union Sacrée" (entendez
: des conservatismes), titre Le Monde. Spectaculaire (bien que brève)
mobilisation lycéenne ? D'abord réduits à n'exprimer
que des "velléités" (L. Jospin) ou à être les
"jouets" de "la main de Moscou" (C. Allègre), les lycéens
sont ensuite "interprétés" : ils sont censés vouloir
"la réforme". La base socialiste s'inquiète ? On appelle
C. Allègre à plus de civilité (ou on envisage de le
changer ?) mais pour sauver l'essentiel de sa politique.
Et pendant ce temps-là le corps
enseignant dans sa masse glisse vers le découragement. Certains
professeurs se taisent de peur de déranger la gauche, d'autres se
taisent par dégoût de la gauche ; certains demandent des heures
supplémentaires pour compenser la baisse de salaire provoquée
par la baisse du taux des "heures supplémentaires" obligatoires.
A quand la "fuite des cerveaux" vers l'enseignement privé ?
Nous, signataires de ce manifeste, avons décidé
de sortir de cette logique du silence et du découragement. Nous
ne nous laissons impressionner ni par les fausses
évidences ni par les réponses
qui précèdent les questions. Nous pensons, contre
l'idée dominante, que C. Allègre sert
mal une mauvaise politique, dont, après 18 mois, les orientations
générales, la cohérence et les effets
destructeurs apparaissent chaque jour davantage.
La politique que nous lui opposons est indissociable des luttes engagées
depuis 18 mois ; elle est pluraliste et unitaire, comme en témoigne
le nombre de sections locales de syndicats et associations qui participent
à notre initiative ; elle est en tous points opposée à
la politique gouvernementale : autres priorités, autre logique,
autres objectifs, autres moyens. C'est pourquoi nous avons décidé
de nous faire entendre.
I- RESTAURER UN TRAITEMENT DÉMOCRATIQUE
DES QUESTIONS SCOLAIRES.
Au nom d'une politique prétendument éclairée
conçue par C. Allègre et par ses conseillers techniques,
on dénigre l'immense majorité des professeurs
: la gauche plurielle qui se targue ailleurs de "dialogue social" joue
ici la carte du bouc émissaire ou de la haine sociale, de la haine
du professeur, de l'intellectuel. En outre la politique
suivie n'a jamais fait l'objet d'un mandat électoral
clair : la gauche plurielle, qui a tellement, ailleurs, tendance
à ne pas faire ce qu'elle dit, fait ici ce qu'elle n'a pas dit.
Cette violence sociale et politique, que le
despotisme haineux de C. Allègre ne fait que cristalliser, est illégitime
; et tous les partis de la gauche plurielle en sont responsables, aussi
longtemps qu'ils y consentent par leur vote ou leur silence.
II- AVANT DE REFORMER LE LYCÉE, EN FAIRE
(ET REFAIRE TOUJOURS) UN BILAN RIGOUREUX ET PONDÉRÉ. DISCERNER
LES ENJEUX DÉMOCRATIQUES.
On assène la prétendue nécessité
de "la réforme" alors que n'est effectué aucun bilan
sérieux de l'état des lycées après quinze ans
de "massification". Or ce bilan fait apparaître une situation complexe
avec progrès, stagnation et menaces de régression. Progrès
: élévation du taux de bacheliers par
classe d'âge, lente promotion des enseignements
technologiques et professionnels comme voies de réussite à
égalité avec l'enseignement général, expansion,
diversification et ouverture sociale accrue des C.P.G.E. Stagnation
: plus de 50 000 jeunes sortent du système
éducatif sans qualification. Menaces de régression
: les écarts entre "bons" et "mauvais" lycées
se creusent et incitent au "chacun pour soi" inégalitaire ; inégalités
qu'accentuent des allégements inconsidérés en certaines
disciplines : moins l'enseignement est porteur, plus jouent les privilèges.
Les lycées sont entrés dans une crise de croissance
qui met chacun devant un choix clair. La massification des lycées
sera-t-elle leur démocratisation, par et pour un enseignement de
qualité pour tous, par et pour le droit au savoir pour tous ? Ou
sera-t-elle, sous couvert de lutte contre "conservatisme" et "élitisme",
le renoncement à l'exigence et
à la qualité ? Et ce
n'est pas par hasard si l'enjeu simple et considérable du droit
au savoir pour tous est apparu, en quelques mois, tant en Seine-Saint-Denis
qu'en C.P.G.E.
III- COMBATTRE LA DÉMAGOGIE DESTRUCTRICE
Nous récusons une politique
de l'allégement systématique des programmes et donc
des horaires d'enseignement sous prétexte de "mettre l'élève
au centre du système éducatif". Un allégement peut
être bon, mais, systématique, il devient
suspect ; et il devient mauvais quand
il se fait au nom de la seule utilité sociale ou civique ou pire
encore, du seul agrément immédiat.. Omettre "ne sert à
rien" dans une réunion de négociation salariale, et l'algèbre
du second degré "ne sert à rien" pour la plupart des métiers.
Ceux qui, sous prétexte de justice, entretiennent le
mépris voire la haine du savoir et de la culture, desservent en
réalité et la culture et la justice.
Nous dénonçons le corollaire
obligé et déjà bien visible de cet allégement
: la déqualification systématique du corps enseignant : baisse
des salaires et report de la revalorisation solennellement promise, "parcage"
des agrégés en terminale, en C.P.G.E., en B.T.S. ou en premier
cycle universitaire, projet de réduction des
exigences théoriques pour le C.A.P.E.S., réduction
importante des postes aux C.A.P.E.S. et aux agrégations,
recrutement de surveillants bientôt pris pour
professeurs et d'emplois jeunes bientôt pris pour surveillants.
Nous récusons le prétendu
"modèle anglo-saxon" (au lycée
on s'éduque ; l'instruction commence à l'université)
souvent avancé pour légitimer ce lycée allégé:
les politiques des U.S.A. et de la Grande-Bretagne dénoncent eux-mêmes
aujourd'hui les ravages de ce modèle ; et en France ses zélateurs
ne vont jamais, dans leur hypocrisie, jusqu'à l'estimer bon? pour
leurs propres enfants.
La vérité plus crue est que le
lycée allégé est un lycée
"à coût constant" c'est-à-dire un
lycée "bon marché" inscrit dans la logique néolibérale
de précarisation du travail, de réduction de son coût
et de réduction des coûts en général. Précarisation
: réduction, par l'annualisation des services,
des garanties statutaires pour les agents de service, les professeurs des
lycées professionnels, les titulaires remplaçants (et demain
les autres professeurs ). Réduction du coût de travail
: baisse des salaires des professeurs, emplois C.E.S.
(Contrat Emploi-Solidarité), emplois-jeunes
sous-rémunérés, étudiants-surveillants astreints
à des demi-services avec des demi-salaires (soit un peu plus
que le R.M.I.). Réduction générale des coûts
: économies drastiques, entre autres, sur
les Z.E.P. transformées en R.E.P. ou réseaux de "redéploiement"
des moyens.
Et la vérité ultime est que ce lycée
bon marché est jugé suffisant pour ceux que l'on suppose
réduits aux "velléités" de savoir, donc inaptes
à s'approprier les plus hautes formes de savoir
et de culture : sous la haine du savoir apparaît
toujours, honteux de soi, le mépris des masses et l'acceptation
du maintien voire de l'accroissement de l'inégalité.
Et à qui profitera l'abaissement du niveau scolaire des lycées
publics, si ce n'est à des écoles privées élitistes
et coûteuses ?
IV- DÉFINIR AVEC PRÉCISION UNE
HAUTE AMBITION SCOLAIRE.
Une fois rejetée la voie de l'abandon, il faut revenir, toujours,
à l'essentiel, et donc:
-
Mettre l'enseignement au centre du système
éducatif. L'idéologie n'y peut rien: le centre du
système éducatif n'est ni l'élève, ni le professeur,
ni le rapport professeur/élève, mais l'appropriation
de la culture par l'élève avec l'aide du professeur.
Et aucun réalisme économique, social ou budgétaire
ne pourra étouffer chez l'élève le plaisir et la fierté
de comprendre, chez le professeur le plaisir et la fierté de faire
comprendre. En revanche toutes les voies, traditionnelles ou nouvelles,
générales, techniques ou professionnelles conduisant à
ce foyer de plaisir et de fierté sont recevables. Là est
le fait scolaire fondamental.
-
Mettre, enfin, le système éducatif
au centre du projet démocratique. Donner à chacun,
par un enseignement de qualité, toutes ses chances
d'accéder à une pensée libre c'est faire le
double pari de l'égalité et
de la liberté par le développement
de masse de l'intelligence. L'ordre inégalitaire et l'ordre gestionnaire
et technocratique peuvent en être ébranlés mais c'est
à ce risque toujours réassumé que se marque une démocratisation
effective. Et tous ceux qui ont troqué "l'École libératrice"
pour une école adaptée à la réalité,
c'est-à-dire à la mondialisation de l'économie libérale,
sont en train de perdre leur âme.
-
Remettre (enfin) de l'ordre dans les priorités
de la politique scolaire. Malgré les "évidences Meirieu",
la première urgence n'est pas de définir les programmes (et
encore moins, donc, de les définir dans la précipitation).
Car sans bon professeur un bon programme reste lettre
morte. Et qui peut détecter qu'un programme
est bon ou mauvais si ce n'est d'abord un bon professeur ? Pour
un bon lycée il faut donc en priorité
de bons professeurs. Rien ne sert ensuite de détailler les
programmes de telle discipline si l'on n'a pas d'abord décidé?
que cette discipline sera enseignée. Entre les fins ultimes de l'École
(liberté et égalité) et ses moyens détaillés,
il y a l'intermédiaire indispensable de la liste des disciplines
qui définit une culture ou une "tête bien faite". A rebours
du "lapsus historique" qui a fait oublier à Ph. Meirieu les mathématiques
dans la culture générale (logique : il cherche les "fondamentaux
" de la culture hors de la culture !) il faut scruter les configurations
de la culture, les "profils" ou "filières" (des "humanités"
classiques à la "culture technique" et à la "culture professionnelle")
susceptibles de former la pensée. Les deux conditions premières
d'un lycée démocratique sont donc exactement ce dont l'idéologie
de "la réforme" ne parle pas : la haute qualification des professeurs
et la définition pertinente des filières.
V- D'ABORD ÉLEVER LA QUALIFICATION DES
PROFESSEURS.
Nous savons ce qu'est un bon professeur : il
doit aimer sa discipline et son travail, avoir une compétence irréprochable
et toujours actualisée ; il doit être indépendant
de toute forme de pression (sociale, familiale, idéologique,
pédagogique) ; et il doit être correctement
payé pour disposer d'un statut social normalement attractif.
De là découlent trois conséquences
majeures:
-
Les tâches d'enseignement sont devenues
plus difficiles : publics nouveaux, savoirs nouveaux et constamment
renouvelés, nouvelles sources d'information. Il
faut donc non abaisser mais élever
la qualification des professeurs dans un cadre national. Là
est le chantier prioritaire, avec au moins trois tâches :
1) Inverser le mouvement général
de déqualification dénoncé plus haut, en chacun de
ses aspects.
2) Affermir et élever les exigences
théoriques des C.A.P.E.S. et des agrégations.
3) Développer une formation pédagogique
bien conçue (voir VII ci-dessous). Et réactiver,
harmoniser tout le potentiel de formation initiale et permanente des professeurs
(E.N.S., I.U.F.M., M.A.F.P.E.N.).
-
Les professeurs ne sont ni des apôtres ni
des domestiques honteux de parler de leurs gages. La République
se doit de bien les payer. Or dans leur grande
masse ils restent payés en-dessous de leur qualification. Il faut
donc d'abord annuler la baisse de leurs salaires et tenir les engagements
non tenus de revalorisation des salaires, puis poursuivre cette revalorisation.
-
Les droits (garanties d'indépendance
intellectuelle et pédagogique, en particulier) et
les devoirs (obligations de service, en particulier) des
professeurs ont été définis en 1950. Le statut
original (salarié, fonctionnaire, mais pour une profession de type
libéral) est un acquis de la Libération. Rien
n'autorise à le "casser", surtout pas des informations
erronées ou mensongères sur le temps de travail des professeurs
; et il faut le défendre partout
où il est menacé, en particulier dans les projets de "gestion
déconcentrée" voire locale "des personnels".
VI- DÉVELOPPER ET DIVERSIFIER LE
MODELE SECONDAIRE.
Qu'y a-t-il de commun entre, par exemple, une bonne filière
littéraire et une bonne filière professionnelle ? Ce qu'on
peut appeler le "modèle secondaire" d'accès
à la culture et à la pensée : fermeté de chaque
discipline enseignée, progressivité pluriannuelle dans l'enseignement
de cette discipline, cohérence pluridisciplinaire, ouvertures interdisciplinaires
(mais progressives et maîtrisées), accès progressif
aux oeuvres ou sources de première main, accès progressif
à l'organisation déductive et argumentative de la pensée,
le tout avec un taux d'encadrement qui permet une diversification des exercices
et une interaction entre ce qui vient du professeur et ce qui vient des
élèves. De là découlent cinq
conséquences majeures.
-
Penser toujours la distinction et la liaison des
éléments du modèle secondaire. Par exemple
: nulle disciplinarité sans progressivité (en sciences et
techniques mais aussi en lettres) ; nulle interdisciplinarité sérieuse
sans disciplinarité et pluridisciplinarité cohérente,
etc.
-
Diversifier, harmoniser, rapprocher les figures
de ce modèle secondaire que sont les filières : mieux
affirmer chacune d'elles, et en faire toujours une voie de réussite
; combattre les hiérarchies toujours renaissantes entre elles ;
combattre la caricature de culture commune que serait un tronc commun peau
de chagrin et la caricature de diversification que seraient des options
dispersées greffées sur cette peau de chagrin ; multiplier
les passerelles entre les filières mais favoriser aussi des rapprochements
et fécondations réciproques. Là se joue le grand dessein
d'une politique scolaire démocratique: une culture plus riche, plus
ouverte, plus universelle ; la justice est bien condition de la culture
tout comme la culture est condition de la justice. Préalable indispensable
à cette entreprise : redonner à l'enseignement
public professionnel toute sa place dans le système scolaire et
le libérer de la tutelle du privé.
-
Cerner, ce qui est aisé, les bonnes conditions
du travail scolaire : classes sans surcharge, alternance entre cours et
T.P. ou T.D., salles de travail, bibliothèques-médiathèques,
moyens informatiques (à leur place, mais rien qu'à leur place).
Mais il faut savoir que si l'on veut vraiment faire contrepoids
aux inégalités socio-culturelles, il faudra deux
fois rompre avec le principe du bon marché ou "à budget constant"
: le budget de l'Éducation Nationale doit croître pour offrir
plus de conditions scolaires favorables aux élèves dont les
milieux familiaux sont les moins porteurs.
-
Le modèle secondaire n'est pas cantonné
aux classes antérieures au baccalauréat. Il fonctionne
aussi, et fort bien, dans les C.P.G.E., cette "exception française",
"coûteuse" et "élitiste" que certains voudraient, en particulier
au nom de l'Europe, supprimer et que certains conseillers de C. Allègre
lui-même finissent par reconnaître, en privé, pour ce
qu'elle est : une réussite française. Il faut donc non les
supprimer, ni les diluer dans les universités, ni les couper de
l'enseignement secondaire, mais les prendre comme
un des points d'appui déterminants pour améliorer l'ensemble
de l'enseignement supérieur.
-
Il n'y aura pas de lycée démocratique
sans collège démocratique. Et si le modèle
secondaire vaut pour le lycée démocratique, il doit valoir
aussi, sous des formes et à des degrés sans doute spécifiques,
pour le collège démocratique. Il faut donc rouvrir le dossier
des collèges, effectuer le bilan critique du "collège allégé"
qu'est le "collège Bayrou" et reposer la question d'une diversification
prudente des filières au collège.
VII- AJUSTER PROGRAMMES ET MÉTHODES AVEC
SOUPLESSE ET PLURALISME.
Les programmes ont changé, changent
et changeront. La question n'est pas de définir la mièvre
utopie de papier des "programmes du XXIe siècle", mais
de bien réguler l'ajustement des programmes,
en combinant la maîtrise de l'évolution des savoirs, la pratique
de leur transmission et la connaissance de l'état du système
éducatif. Très délicate synergie où
doivent collaborer universitaires, professeurs et inspecteurs. L'opinion
des élèves, de leurs parents, des citoyens doit être
aussi prise en compte, mais sans confusion des rôles. Des instances
de régulation existent déjà; il faut non les
détruire mais les améliorer,
en cernant mieux leurs missions.
La souplesse pédagogique tient, elle, dans la conjonction
de deux principes au moins:
-
Les voies d'accès au "fait scolaire" sont multiples ; il n'y
a donc pas, il ne doit pas y avoir de pédagogie
officielle et encore moins de pédagogie caporalisée et jargonnante.
-
On n'enseigne pas la biologie comme la poésie : il faut donc
privilégier les pédagogies spécifiées
par rapport à la pédagogie générale ;
et une pédagogie spécifiée exige
d'abord la compétence théorique dans
la discipline concernée.
VIII- INVENTER UNE NOUVELLE LOGIQUE BUDGÉTAIRE.
Le réalisme budgétaire crie à
l'utopie devant le coût d'un enseignement de qualité pour
tous. Mais le choix est non entre sérieux budgétaire
et utopie mais entre deux conceptions du sérieux budgétaire.
L'une, purement comptable, demande, en Harpagon "combien ça coûte
?". L'autre, meilleure gestionnaire et plus conforme à l'esprit
d'entreprise, compare les coûts et les profits
d'un investissement. Or le pari sur l'intelligence
est un investissement à l'échelle de la Nation et ses gains,
durables, sont à la fois techniques, sociaux et politiques.
Comptables gouvernementaux, encore un effort pour penser un peu et donc
mieux compter !
IX- RENFORCER, ASSOUPLIR ET BIEN CENTRER LE
SYSTÈME SCOLAIRE.
Dictée par la manie idéologique et l'avarice budgétaire,
s'est développée depuis 18 mois une insupportable caporalisation
du système éducatif : déstructuration du ministère,
mise au pas des inspecteurs et des chefs d'établissement (ces derniers
bientôt mis en tutelle sous des super-proviseurs), inflation tatillonne
et paperassière des contrôles. A rebours de ces destructions-proliférations,
il faut revenir à l'essentiel du système
éducatif et le renforcer, l'assouplir et bien le centrer.
Renforcer: La puissance
publique doit aujourd'hui plus qu'hier être la garante
de l'égal accès de tous à un enseignement de qualité
sanctionné par des diplômes nationaux ; elle doit aujourd'hui
plus qu'hier être la garante de l'égale
répartition géographique et sociale des chances, donc de
l'investissement scolaire ; elle doit aujourd'hui plus qu'hier être
la garante de la continuité des cursus scolaires (en particulier
dans les passages collège-lycée et lycée-enseignement
supérieur) ; elle doit aujourd'hui plus qu'hier
être la garante des compétences, du statut et des salaires
des professeurs.
Assouplir : la puissance
publique doit non décider elle-même des structures,
programmes et méthodes d'enseignement mais favoriser
la régulation et le pluralisme de leurs ajustements.
Bien centrer : il
n'y a pas d'harmonie préétablie entre le "fait scolaire"
et les logiques sociales et économiques qui le sollicitent.
Ainsi le lien entre bassin de formation scolaire et géographie de
l'embauche ne saurait-il être une contrainte absolue.
X- ENGAGER LA CONTRE-OFFENSIVE ET FAIRE ENTENDRE
LA VOIX DU DROIT AU SAVOIR POUR TOUS.
Il y a bien deux politiques scolaires, deux orientations pour traiter
la crise de croissance du système scolaire : la voie basse du "modèle
anglo-saxon" repeint en "lycée du XXIe siècle"
et la voie haute que nous lui opposons. Et les choses sont sans doute moins
figées qu'il ne semble : ni L. Jospin ni C.
Allègre ne pourront aisément convaincre les surveillants
luttant pour leur survie ou les comités d'action contre le bradage
des Z.E.P. qu'ils sont soit conservateurs soit désireux, sans le
savoir, de "la réforme". Nous sommes,
plus que jamais, décidés à nous
battre. Sur quatre fronts:
-
Il faut faire nombre. Nous appelons donc
nos collègues de collège, de lycées, de C.P.G.E. mais
aussi tous ceux qui, professeurs ou non, éducateurs ou non, veulent
comme nous un lycée démocratique, à signer ce manifeste
ou à en rédiger d'autres du même type.
-
Nous appelons les syndicats et associations dont
beaucoup d'entre nous sommes membres à rechercher, comme nous le
faisons nous-mêmes, la voie d'une unité structurée
et pluraliste, et à organiser ensemble, au cours du second trimestre
scolaire, une ou des actions d'ampleur nationale : déclaration
commune avec publication payante, s'il le faut, dans la presse ; recherche
des soutiens extérieurs au monde enseignant ; mise en demeure des
partis politiques de répondre à des propositions telles celles
de ce manifeste ; manifestation nationale?
-
Nous mettons le gouvernement, les partis politiques
et la presse au défi d'organiser, en lieu et place des "coups médiatiques"
comme le colloque Meirieu, des débats précis et dignes de
ce nom sur des questions cruciales : salaires et statuts des professeurs,
formation des professeurs, "déconcentration" du système scolaire,
modèle secondaire? Nous avons des arguments ; ce manifeste n'en
donne qu'une petite partie ; syndicats et associations ont des dossiers.
Qui a peur du débat ?
-
Nous sommes décidés à utiliser
l'arme du bulletin de vote lors des prochaines élections européennes.
Parce que ce sont des élections et que, même si nous
ne voterons pas la même chose, nous avons définitivement renoncé
au "silence dans les rangs". Et parce que ce sont des élections
européennes : les potentialités du système scolaire
français ne doivent pas être étouffées sous
prétexte de normalisation européenne. Nous nous déterminerons
au moment de voter, en fonction des réponses que les divers partis
donneront à ce manifeste.
Nous avons dans notre combat, une certitude tranquille : il
existe pour le lycée, pour l'École, une politique démocratique
de clarté, d'unité, de courage et donc d'espoir.
Pour la justice et pour la culture.
Pour plus d'informations, écrivez à mechantloup@geocities.com