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Résumé
INTRODUCTION
D'une manière générale, on peut constater que l'habitat populaire
n'a guère retenu l'intérêt
des chercheurs. Parmi de rares études, on peut citer les travaux d'histoire sociale de R.H. Guerrand.
Ce constat a donc conduit à une réflexion synthétique centrée sur ce thème, tout
en accordant une attention particulière aux luttes de pouvoir dans l'habitat.
L'évocation de "l'habitat populaire", chronologiquement et dans tous les sens de l'expression
-DU PEUPLE: l'habitat attendu, désirré mais aussi l'habitat "social de fait". POUR LE PEUPLE: l'habitat
social institutionnel. PAR LE PEUPLE: l'habitat vernaculaire, coopératif, auto-construit,...-, ne répondait pas à une préoccupation d'inventaire
ou seulement d'historique MAIS au double souci de tirer les leçons des modes antérieurs de
développement urbain et de mieux connaître la matière de l'héritage urbain qu'il faut gérer.
Cette optique amenait logiquement à réfléchir aux grands problèmes perçus au niveau
de l'habitat.
La "recherche", centrée sur l'exemple de développement de la métropole rennaise, n'a de sens,
surtout à partir du XIXe siècle, que dans la mesure où l'on
considère le rôle déterminant des réglementations, procédures et "modes" élaborées au niveau
national qui ont réduit les marges de manoeuvre des instances locales.
L'étude aborde les origines de la ville de Rennes et du logement social (I).
Puis elle traite de
l'explosion urbaine entre 1945 et 1967 (II).
Elle s'intéresse ensuite à une phase de
transition, de doute où la qualité prime la quantité (III).
Enfin, le temps
des grands changements arrive, au tournant des années 70-80 (IV).
L'urbanisation rennaise, SIMPLE EXEMPLE ou EXEMPLARITÉ?
Telle est la question à laquelle la conclusion tente de répondre...
Il est très difficile de rendre compte en quelques lignes d'une approche globale intégrant
plusieurs centres d'intérêt, dans une optique pluridisciplinaire.
I - GENESE DE LA VILLE (avant 1945)
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Le développement de RENNES jusqu'à la seconde guerre mondiale est une
bonne illustration du mode de formation d'une métropole provinciale.
On observe la croissance d'une ville
à partir du substrat antique (la "cité" d'une dizaine d'hectares), de l'apport médiéval (faubourgs
successifs qui portent l'agglomération à 62 ha pour une population de 12.000 hab.), puis de sa
restructuration au XVIIIe siècle, après l'incendie "providentiel" de 1720 (près de 1.000
immeubles détruits et 8.000 personnes sans abri sur une population de 25.000 hab.).
Au XIXe s., Rennes
s'était développée, puisqu'elle atteignait les 70.000 habitants à la fin du siècle. Mais cette ville
restait une métropole commerciale, administrative et intellectuelle peu touchée par l'industrialisation.
A la différence des grands centres urbains, elle n'avait pas fixé l'exode rural intense de la région,
engendré par l'amélioration de la productivité agricole et l'attrait déjà mythique des emplois urbains.
Dans ces conditions et pour une simple raison d'échelle, Rennes ne connut pas le problème du
logement ouvrier avec l'ampleur qu'il prit dans ces grands centres. C'est aussi pourquoi les premières mesures
nationales donnant naissance au logement social, les Habitations à Bon Marché, dans la seconde moitié
du XIXe s. (surtout à partir de 1894) et au début du XXe s. ne reçurent qu'un écho atténué à Rennes.
En France, des dates comme 1894, 1908 et 1912 (avec les noms de leurs inspirateurs qui s'y attachent: Siegfried, Ribot, Bonnevay...) sont autant de jalons dans l'histoire du logement
ouvrier (la définition s'est élargie bien plus tard pour inclure les "défavorisés"), en marquant l'institution des Sociétés coopératives ou non d'Habitations à Bon Marché,
des Crédits Immobiliers et, enfin, des Offices Publics dans lesquels l'initiative publique locale
fut prépondérante jusqu'en 1963. Tous ces organismes sont fédérés au sein d'une Union Nationale des H.L.M.
Entre les deux guerres, notamment grâce à la loi Loucheur (1928) et malgré la grande
crise économique, ces organismes construisirent directement 350.000 logements sur 650.000 logements
aidés (accession comprise) ou sur un total de 1,8 million de logements neufs.
A Rennes, ces divers types d'organismes apparurent avec beaucoup de retard:
- une coopérative en 1902, "la Ruche Ouvrière" (devenue après guerre "Coopérative Régionale HLM"),
- les Offices de la Ville de Rennes et du Département d'Ille-&-Vilaine en 1920 et 1921
- et 3 sociétés de Crédit Immobilier entre 1922 et 1930.
Leur oeuvre concrète, jusqu'en 1945, s'est limitées à 1.500 logements ordinaires, surtout en
accession, soit 10% du nouveau parc rennais construit dans l'entre deux guerres. Il faudrait y
ajouter des chambres d'étudiants, des jardins ouvriers (baptisés par la suite "familiaux") et des
lotissements.
A la veille de la guerre, Rennes couvrait 1.300 ha et approchait les 100.000 habitants.
II - UN PHENOMENE CONCENTRATIONNAIRE (1945-67)
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Après la guerre et pendant une vingtaine d'années, un changement d'échelle, de grande ampleur,
intervint aussi bien au niveau national que local dans la conception de l'urbanisme et de l'habitat.
2-1 Une priorité nationale: construire
En France, le changement est surtout lié au retard antérieur, aux destructions de la guerre
(20% du parc) et aux besoins découlant de l'explosion urbaine (de 1945 à 1975, la population rurale
va tomber de 50% à 25%) consécutive à l'effort d'industrialisation et au "boom" démographique.
Le ministre en charge de la reconstruction, Claudius Petit, eut un rôle déterminant.
Un pouvoir politique dont la tonalité passa du "centre-gauche" au gaullisme mit à son actif
la réalisation de 261.000 logements par an, en moyenne, de 1949 à 1968 (volume variant de 100.000
à 400.000 entre le début et la fin de cette période), ce qui ne suffisait pas à satisfaire les besoins,
ni en quantité ni en qualité. Le tiers de ce bilan correspondait à des réalisations d'Habitations
à Loyers Modérés (qui ont remplacés les H.B.M. en 1950) dont les 3/4 sous forme de logements
locatifs sociaux.
La loi de 1948 qui allait réglementer les loyers privés anciens et donner naissance à l'
allocation-logement n'eut pas l'effet incitateur escompté auprès des investisseurs, bien au contraire,
puisque les bailleurs d'anciens logements eurent tendance à négliger l'entretien de leur patrimoine.
Le développement urbain est plutôt à mettre au compte d'une véritable prise en mains du secteur
immobilier par les pouvoirs publics qui allaient s'appuyer sur les organismes d'HLM et sur les
investisseurs institutionnels ainsi que sur le développement de l'accession à la propriété,
favorisée par un statut de la copropriété.
Cette oeuvre dirigiste a été conçue dans un cadre hyper-centralisateur, celui de l'Etat. Les
procédures urbanistiques, financières et foncières furent profondément modifiées au cours de la
douzaine d'années 1953-65. A ce propos, citons pêle-mêle et sans être exhaustif: la mobilisation des fonds de la
Caisse des Dépôts et Consignations au travers d'une Caisse spéciale (la C.D.C. utilise les fonds des Caisses d'Epargne),
les Z.U.P. (zones à urbaniser en priorité), le Rénovation Urbaine, les Z.A.D. (zones d'aménagement différé), les
LOGECOS, les P.S.I. (prêts spéciaux immédiats du Crédit Foncier ou C.F.F.), la contribution patronale dite "1%" (qui
redonna vigueur à des sociétés d'HLM, dans le cadre de groupes contrôlés par des C.I.L.: Comités
Interprofessionnels de Logement chargés de sa collecte), l'extension de compétence des Offices HLM
les plus importants, la prépondérance des représentants de l'Etat dans les conseils d'administratrion
de ces Offices à partir de 1963, le démembrement des Coopératives d'HLM polyfonctionnelles, la
diversifications des catégories de logements aidés (ouvertures vers les catégories défavorisées ainsi
que vers les catégories moyennes) et, enfin, le statut de la copropriété déjà évoqué...
Sur le plan technique, les moyens et les structures furent bouleversés. L'industrie de bâtiment
est née alors puis s'est rapidement concentrée tandis que les métiers de la maîtrise d'oeuvre (architecture
surtout) se dénaturaient.
Ce fut l'ère des plans standards, de la préfabrication, de l'urbanisme des "chemins de grues" (barres
et tours) et de ...l'uniformité! Avec un demi-siècle de retard, un certain fonctionnalisme -faisant
parfois référence à Le Corbusier!- s'imposait sous forme abâtardie.
Ainsi se trouvaient réunis tous les ingrédients de la recette des "grands ensembles"(1).
Cette période baignée dans la croissance euphorique des "trente glorieuses" a pris fin alors
que la Loi d'Orientation Foncière (LOF) était en gestation, que se préparaient une crise socio-politique
(1968...) et la crise "oléo-économique" de 1973... appelée à se prolonger!
2-2 Une politique urbaine exemplaire
et ambitieuse à Rennes
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A la fin de la seconde Guerre Mondiale, Rennes était une ville de 100.000 habitants dont 25% des
immeubles étaient endommagés ou détruits (1b). Elle comptait de nombreux "camps" et cités provisoires pour les "réfugiés".
De son passé plus ancien, elle héritait de deux quartiers populaires vétustes (d'anciens faubourgs).
Quant à son environnement, il était resté largement rural (2/3 de population rurale dans le département).
Une impulsion décisive au développement rennais fut donné par l'équipe municipale centriste et
socialiste élue en 1953. Ce fut une phase de pouvoir local fort et dirigiste.
Une Cité d'Urgence, réalisée dans l'esprit de "l"appel de l'abbé Pierre",
fut l'amorce d'un premier grand ensemble de 1.000 logements dans le quartier de Cleunay.
Parallèlement se préparait (acquisitions foncières) le grand ensemble de Maurepas qui groupera
quelques 4.000 logements au début des années 60. Au même moment, des études étaient lancées en vue
de la rénovation (au sens de l'époque = "bulldozer") du quartier de la rue de Brest ("Bourg l"Evêque").
Celle-ci fut engagée à la fin des années 50
ainsi que la rénovation du quartier du Colombier. En 1958 était adopté le Plan d'Urbanisme qui a donné, pour
l'essentiel, la physionomie actuelle de la ville...
La municipalité réduite à sa composante centriste depuis 1959, sous la conduite d'Henri FREVILLE,
poursuivit les opérations antérieures et lança les Z.U.P. de Villejean et du Blosne (ou ZUP Sud).
Alors qu'à la fin des années 60, la première était largement avancée (5.500 logements), la seconde
démarrait. Quant aux rénovations urbaines, la municipalité ambitionnait qu'elles contribuent à
donner l'image d'une métropole régionale dynamique (même si l'Etat ne lui avait pas accordé ce rang,
en privilégiant NANTES, la "soeur rivale" d'une Bretagne bicéphale démembrée...).
La forte volonté municipale pour le développement rapide de la ville s'appuyait
- sur les intervenants classiques :
- institutionnels tels les organismes d'H.L.M.
ainsi que les plus récentes SEM (Sociétés d'Économie Mixte d'aménagement)
- privés, les promoteurs qui se développent et s'organisent (regroupements)
- et sur d'autres types intervenants, issus de l'urgence, l'urgence de construire faisant suite
à l'urgence de reconstruire (2):
- associations ("ADP" ou "Notre foyer")
- ainsi que sur des coopératives non HLM ce qui est tout à fait original mais qui n'irait pas de soi dans le contexte des années 70 qui a vu se renforcer les législations de divers ordres
et le pouvoir financier (banques)...
Pendant ce temps, on observait la diminution de la place prise par le logement social dans les
grandes opérations d'urbanisme. S'il représentait la quasi-totalité (encore peu d'accession "sociale")
dans les deux premières opérations, il tombait à moins de 50% dans les deux ZUP et n'avait même qu'une
place symbolique dans les phases initiales des rénovations urbaines... Globalement, sur près de 40.000
logements construits de 1947 à la fin des années 60, on compte 35% de logements locatifs sociaux.
Le rythme annuel de construction totale était en moyenne de 1.600 alors qu'il a dépassé 2.500 au cours des
années 60.
La croissance démographique de la Ville a donc été fulgurante puisque la population est passée de
152.000 habitants en 1962 à 182.000 en 1968, cette croissance résultant d'un solde migratoire très favorable
s'alimentait à partir d'un fort exode démographique régional.
L'urbanisation rennaise allait de pair avec un développement économique largement basé sur des
décentralisations dans l'industrie (Citroën dès 1951 puis, surtout, 1960) et le tertiaire (administrations,
centres de recherche, écoles supérieures).
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