Remarques à propos des récentes
déclarations
d’un penseur de la radicalité [1]
L’adhésion de René Riesel à l’Encyclopédie des
Nuisances apporte à celle-ci un soutien inespéré. Devenue ces dernières
années l’éditeur d’un certain nombre de livres remâchant inlassablement les
mêmes généralités sur la falsification marchande du monde et sur le degré
alarmant d’ores et déjà atteint par cette prolifération, l’EdN s’était
ainsi contentée de surfer sur la vague grandissante d’opposition aux
nuisances et d’y ajouter une tonalité plus “ radicale ”, par le
simple fait d’en refuser les habituels compromis réformistes (dialogue avec les
institutions ; avec les experts ; avec des partis, syndicats et ONG
globalement infréquentables). Or, la montée soudaine, dans les médias, de la
vedette Bové et de sa Confédération paysanne accorde à cette
dernière une aura publique qu’il est aisé d’exploiter, surtout si cette
exploitation se présente, de surcroît, comme liée à un point de vue critique
par rapport à la Confédération (celui de Riesel), et si, suprême
félicité, ce Riesel rejoint l’Encyclopédie des Nuisances. Voici
donc, avec Riesel, une nouvelle caution qui vient à point nommé remplacer celle
de Guy Debord, perdue en 1987 dans des circonstances peu reluisantes (sur
lesquelles un silence de plomb est scrupuleusement entretenu, véritable omertà
d’un tel milieu) ; et cette nouvelle caution, de plus, autorise plus
facilement un certain activisme.
Ces quelques remarques préliminaires étant faites, et
simplement destinées à situer les dessous stratégiques des déclarations
publiques d’un René Riesel devenu “ Encyclopédiste ”, l’essentiel
demeure évidemment le contenu même desdites déclarations.
Plusieurs thèmes sont abordés par Riesel :
1.
le rôle historique de
l’IS,
2.
celui du monde rural,
3.
celui de la rationalité
scientifique et technocratique.
1.
Le rôle historique de l’IS
Les propos tenus par Riesel à cet égard se montrent
passablement ambigus. Debord avait sans doute écrit “ qu’il n’y avait plus
d’opposition ” au moment où il écrivait, mais il avait ajouté que
“ si l’histoire doit nous revenir après cette éclipse, ce qui dépend de
facteurs encore en lutte et donc d’un aboutissement que nul ne saurait exclure
avec certitude, ces Commentaires pourront servir à écrire un jour
l’histoire du spectacle ” [2],
montrant par là que l’histoire n’était pas achevée pour lui. Riesel confond
sans doute Debord avec Fukuyama, à moins que cela ne soit avec la veuve Debord,
pour qui entre-temps une fétichisation du disparu est devenue une stratégie
marchande solipsiste, parfaitement cynique. Mais l’ultime évolution du
personnage Debord, même si elle avait correspondu à ce qu’en affirme Riesel,
n’aurait évidemment pas constitué un jugement suffisant de la théorie
situationniste : car, à affirmer cela sur un ton négatif, on ne ferait que
reconduire sous une forme inversée l’identification de la théorie à sa personne
que l’on reproche dans un même temps à Debord ; or, aucune théorie n’est
simplement prouvée ou réfutée par la vie de son auteur — c’est celle-ci, au
contraire, qui doit être jugée comme compatible ou non avec sa théorie. Ce qui
seul prouve ou réfute une théorie — Debord l’avait bien exprimé — c’est l’usage
que les mouvements radicaux futurs pourront en faire.
Il convient de rappeler à cet égard que l’EdN
avait en son temps, dans son numéro 15, publié une critique du rôle historique
joué par l’IS doublée d’un jugement passablement hypocrite sur Debord, qui
cherchait à transformer un banal meurtre du père en duel à fleurets mouchetés,
en comptant sur la complicité de l’adversaire (le père, endormi par les
flatteries, était censé assister sans protester à son propre
enterrement) : à l’époque, l’EdN prenait des gants que Riesel laisse à
présent tomber, et rejetait les dernières publications de Debord tout en
créditant son personnage du prestige de l’artiste-aventurier ayant réussi à
titre personnel, alors que Riesel affirme maintenant que son
“ esthétisation de sa vie ” ainsi que sa théorie du complot étaient
venues se substituer à l’ancienne puissance théorique de Debord, devenue
inutile dans un monde sans opposition. De cela, et des relations en général
entre Debord et l’EdN, dont la Correspondance avec Guy Debord de
Jean-François Martos avait donné de si instructifs aperçus, Riesel ne souffle
pas un traître mot : ce qui ne plaide pas vraiment en faveur d’une
parfaite honnêteté.
Ayant ainsi reprécisé des circonstances que Riesel
feint d’ignorer et qu’il cache activement au lecteur, il nous reste à nous
prononcer sur l’affirmation qu’avance implicitement Riesel : la critique
des nuisances aurait dépassé la théorie situationniste, et permettrait à
nouveau de se battre pratiquement, tandis que la théorie situationniste ne le
permettait plus [3].
Il est d’abord historiquement faux d’opposer la
critique des nuisances et la critique situationniste en général. La revue IS
, dont la publication s’interrompt en 1969, n’a certes pas traité des
nuisances, et avait éventuellement accumulé un certain retard ou une certaine
myopie à cet égard (encore qu’à la même époque, la critique écologiste ne
courait pas les rues, puisque les méfaits écologiques de l’industrie étaient
encore de proportions limitées) ;
mais le sujet est abordé dès 1972 dans La
véritable scission dans l’Internationale [4],
et on peut retenir sans aucune erreur possible que Semprun et son entourage
s’étaient contentés, à partir de 1980 (date de parution de La Nucléarisation
du monde) de reprendre dans la pensée de Debord cet aspect
spécifique de la critique, pour d’ailleurs oublier complètement le reste, et
pour s’en faire une spécialité, sans pourtant ajouter quoi que ce soit à la
conceptualisation de la chose [5].
Le moins que l’on puisse dire, c’est donc qu’on ne peut être plus mal placé que
l’EdN pour reprocher quoi que ce soit à la pensée de Debord, dont elle
ne fut qu’un rejeton parcellaire.
La critique des nuisances n’a donc pas dépassé la
critique debordienne dont elle représente au contraire une émanation tardive,
et elle ne représente en rien un stade supérieur de la vieille critique
prolétarienne ; mais, pour nécessaire qu’elle soit, elle représente
plutôt, potentiellement, un danger pour celle-ci. En effet, et on le voit déjà
pratiquement, la critique des nuisances facilite davantage la montée d’un
dirigisme réformé (que Riesel appelle fort justement le “ parti des
vaincus historiques ”) que celle d’une démocratie radicale — du moins
si elle n’est pas resituée dans le cadre d’une critique plus globale (elle
court donc exactement le même danger que celui qui s’était réalisé avec
l’ancienne critique du libéralisme économique, débouchant sur la
nationalisation et la gestion bureaucratique). Il est à cet égard significatif
de constater à quel point ce sujet a réussi d’emblée à éclipser toute autre
considération dans une revue comme l’EdN, exactement comme il l’avait
fait dans les différentes officines écologistes [6].
L’EdN est à Debord, au mieux, ce que le marxisme fut à Marx, à
ceci près que la production des nuisances y a remplacé la propriété privée des
moyens de production.
Il est exact, comme le rappelle Riesel, que le rejet
des nuisances fait davantage bouger le public, dans le monde actuel, que la
critique du spectacle, tout comme le refus des licenciements et du chômage ont
toujours davantage fait réagir leurs victimes que la critique du capital comme
mode de production. On en comprend aisément les raisons, mais en quoi celles-ci
peuvent-elles être interprétées au détriment de la critique la plus radicale et
la plus englobante, qui est bien évidemment celle du spectacle et celle du
capital ? Ne voit-on pas au
premier coup d’œil le danger de telles limitations et de leur surestimation
intéressée ? Toute l’expérience historique n’est-elle pas là pour le
rappeler ? Le formidable talent du capitalisme pour la survie n’est-il pas
entièrement fondé sur la réitération sempiternelle de telles confusions ?
Cette prise de conscience, aussi vieille que les débuts du mouvement ouvrier,
n’affleure même pas dans les propos de Riesel. Ses propos font comme si le
refus des dernières performances du capital équivalait au refus du capital
lui-même : alors que tout le monde sait à quel point de tels sous-entendus
se couvrent promptement de ridicule. Et dans cette EdN orpheline de la
tutelle debordienne et en cours d’adoption involontaire par Theodore Kaczynski
et Teddy Goldsmith, la critique de la “ société industrielle ” est
sur le point de remplacer celle du capital et de la marchandise.
2.
Le rôle historique du monde rural
Les propos de Riesel concernant le monde paysan ne
laissent pas d’être éminemment contradictoires. Riesel se moque à juste titre
des tentatives de rassurer le quidam “ avec le retour à de
pseudo-traditions rurales, qui seraient un refuge possible de la qualité en
matière agricole ”, mais il affirme néanmoins que dans ce milieu rural, il
lui a été possible “ de réapprendre des pratiques qui constituent à bien
des égards la véritable richesse humaine ”. Cette seconde sentence vient
grandement limiter la portée de la première, car s’il faut rejeter
l’affirmation médiatique du maintien du monde rural là où il a déjà disparu, il
convient de rejeter également la nature même de ce monde rural tel qu’il
existait encore. Dans les années soixante-dix, quand le régime de Mao exilait
les intellectuels et les fonctionnaires en disgrâce dans des bagnes ruraux pour
se purifier au contact du travail agricole, le drop-out occidental
agissait de même en toute liberté, découvrant un, cent, mille Larzac, et
la “ richesse humaine ” des Causses désertés ; il échappait
ainsi à la dialectique historique issue du mouvement de 68, sans avoir à se
confronter à ses prolongements inattendus. Le travail marginal
fut ainsi l’idole d’un temps, et d’une génération de babas en fleurs, et
d’ailleurs ne pouvait guère être autre chose. “ Il n’y a plus de
paysannerie en France ”, constate à présent Riesel, mais comment le
regretter ? Cette classe et ce milieu, que les individus épris
d’émancipation fuyaient comme la peste depuis l’Antiquité grecque et à travers
toute l’histoire occidentale, a scellé son propre destin en devenant, sans
regret et sans guère d’hésitation, ces “ agriculteurs intégrés dans un
segment de la production agro-industrielle ”, salariés occultes du Crédit
Agricole, acceptant la perte totale de toute autonomie sous prétexte de devenir
“ modernes ” [7] et d’oublier
momentanément leur irréalité historique. Il ne s’agit pas d’accabler
sous l’ironie une classe qui s’est trouvé exposée à des pressions d’une force
irrésistible, et dont les vestiges survivent à présent dans des conditions de
plus en plus misérables, déchiquetés par les différents requins de l’industrie
agro-alimentaire : ces dernières faibles masses paysannes sont déjà
suffisamment accablées pour qu’on leur fasse grâce d’en rajouter à leurs
peines ; mais pour autant il semble indispensable de rappeler que la
classe paysanne présentait tous les traits qui faisaient d’elle la dupe de la
religion, de l’Etat, de la propriété privée, de la morale la plus étriquée, et
de toutes les traditions susceptibles d’obscurcir l’esprit. A ce constat
formulé et justifié depuis de nombreux siècles, Riesel oppose des
considérations comme : “ on y trouvait des attitudes par rapport à la
vie, et notamment à la vie sociale, très antinomiques avec le rationalisme
dominant, un mode de vie, en tout cas, moins séparé que ce à quoi a abouti l’industrialisation
en réduisant l’homme au travail et en colonisant ensuite le temps libre ”.
Le caractère moins fragmenté du travail rural était déjà ce qui attirait le drop-out
de l’après-68, et celui-ci s’extasiait de constater qu’on nourrissait des animaux,
et qu’on soignait leurs maladies, avant que de les mener finalement à
l’abattoir. Si en plus on récoltait
soi-même le foin qu’on leur donnait ensuite à manger, et si l’on tannait les
peaux qu’on avait prélevées sur leur dépouille, ne commençait-on pas à frôler
le fameux “ homme total ” envisagé par le jeune Marx dans des
circonstances pourtant quelque peu différentes ? Personne, en somme, ne
voulait comprendre que le travail rural allait suivre l’évolution de tout travail,
et que la déshumanisation achevée est tout simplement le destin mérité du
travail aliéné, sur lequel il n’y a pas à revenir : car il est
peut-être utile de rappeler, à titre de banalité de base, que le travail rural
était et restait du travail ; que le paysan n’œuvrait pas pour son
plaisir, mais pour gagner sa vie ; et que sa tâche, malgré des
apparences archaïsantes, était aussi purement économique que celle du
manœuvre chez Renault, ou de l’opérateur de saisie à l’Assedic. La dégradation
qui s’en est ensuivie n’a rien démontré d’autre, et qui pourrait s’en
étonner ?
Riesel se trouve donc constater d’une part que le
monde paysan, qui reste par ailleurs incritiqué par lui, et considéré de façon
non historique, n’existe plus, et, d’autre part, que “ sans civilisation
paysanne, c’est la civilisation tout court qui se défait, on le constate
aujourd’hui ”. Cette théorie critique d’un genre nouveau est donc celle
d’un sujet historique défunt ; celle d’une cause d’ores et déjà
irrémédiablement perdue ; celle de commentaires d’outre-tombe ; bref,
une “ dialectique négative ” en regard de laquelle celle d’Adorno
passerait pour une forme exubérante de positivisme. Heureusement que sa
pratique ne se conforme pas à sa théorie, puisque Riesel fait partie de ceux
qui ont agi contre l’industrie agro-alimentaire, et qui le feront sûrement
encore, parmi les jacqueries bien méritées que la classe paysanne fomente avant
de disparaître.
Le dépassement de l’opposition entre ville et
campagne, dont l’industrie agro-alimentaire et la mercantilisation des produits,
des méthodes de production et des lieux ruraux n’a pour l’heure construit que
la plus sinistre caricature, devra davantage civiliser les campagnes qu’hériter
de leur “ civilisation ”. Il n’y aura pas d’héritage.
3.
Le rôle historique de la rationalité scientifique et
technocratique
« L’enjeu de l’industrialisation de
l’agriculture, qui atteint un stade ultime avec les chimères génétiques :
il s’agit, ni plus ou moins, d’une tentative de supplanter définitivement la
nature (extérieure et intérieure à l’homme), d’éliminer cette dernière
résistance à la domination du rationalisme technologique. Une “raison” qui veut
ignorer — et ici supprimer pratiquement — ce qui n’est pas elle, c’est, je
crois, la définition minimum du délire. » Ces constatations représentent
effectivement le point de départ sine qua non de toute critique de la
domination modernisée du capital, déjà exposé dans un ouvrage passablement
ancien [8].
Mais en même temps que d’un délire, il s’agit d’une guerre sans merci,
condamnée à se poursuivre jusqu’aux extrêmes, que la valeur d’échange livre à
la valeur d’usage, d’une guerre “ qui couve au sein même de la forme
marchande simple ”. “ La guerre marchande [...] est la forme absolue
de la guerre, la recherche illimitée et immodérable de la destruction,
l’indifférence aveugle à la survie de ses protagonistes et à un après-guerre
qu’elle ne conçoit même pas [...] la guerre que la valeur d’échange et son
pouvoir d’abstraction ont déclarée à la réalité tout entière est d’une autre
espèce : car elle ne peut cesser que faute de combattants, aucune sorte de
paix ne pouvant être conclue par la marchandise, qui raisonne comme venant d’un
autre monde, et au mépris absolu du nôtre — lequel est pourtant son seul
terrain d’action, pour notre plus grand malheur ” [9].
La gigantesque tunique de Nessus que le capital impose au réel lui brûle
mortellement la peau, mais ce n’est pas, comme le pensent certains, une
question de raison ou de déraison : c’est une question d’asservissement
de la raison — car il n’existe pas d’autre déraison que la raison asservie.
La nature n’étant prise que comme un réservoir initial, et épuisable, de
matière première, le capital a fait suivre à son appropriation formelle,
fragile parce qu’aisée à contester, son appropriation réelle, c.a.d. la
pénétration de la matière, le détournement de la programmation génétique, la
confiscation de la capacité de reproduction du vivant.
La guerre de la valeur d’échange contre le réel a
enrôlé dans son camp les capacités rationnelles et scientifiques. Ce ne sont
donc nullement ces dernières qui sont en cause en leur principe, mais plutôt
leur statut mercenaire, et la dégradation rationnelle que leur impose cet état
de servilité. L’aveuglement de la science n’est pas consubstantiel d’elle, mais
le rictus qui montre qu’elle a vendu son âme au diable, et qu’elle préfère
devenir le contraire d’elle-même plutôt que de rompre son pacte avec le pouvoir
et avec l’argent. Quand le système d’aliénation dominant
“ déraisonne ” en termes de valeur d’usage, c’est simplement qu’il
raisonne en termes de valeur d’échange.
Il faudra encore souvent revenir sur ce principe que
l’IS avait établi, et que l’EdN avait sottement rejeté : l’affrontement
sur le changement. Car dans la résistance à la frénésie de changement de la
société capitaliste-marchande, on verra se multiplier les positions de repli
sur un passé imaginaire, et il faudra s’opposer à elles comme aussi à l’ennemi
principal.
[1] René Riesel, “ Les progrès de la soumission vont à une vitesse effroyable ”, in : Libération du 4 février 2001.
[2] Commentaires sur la société du spectacle, thèse XXVII.
[3] A cet égard, il est utile d’éviter une confusion assez fâcheuse, qu’on trouve chez Riesel, entre la théorie situationniste (celle élaborée et exprimée par un groupe entre 1956 et 1969), et la théorie debordienne, qui s’est poursuivie jusqu'à la mort du personnage, en 1994.
[4] Le n° 15 de l’EdN s’en souvenait encore ; Riesel l’a maintenant oublié.
[5] Ce n’est que bien plus tard, après l’avoir longtemps refusé, qu’ils se sont mis à lire Adorno ou à citer Arendt, pour échapper à l’ahurissante étroitesse du corpus prositu. Il paraît même qu’ils seraient sur le point de découvrir Anders. Comme toutes les tentatives tardives de rattrapage, celles-ci servent hélas moins à enrichir la théorie critique qu’à la dévoyer, à la priver littéralement de son caractère critique. Le biorégionalisme professé dans les colonnes de The Ecologist, revue dans l’édition française de laquelle Riesel publie régulièrement, est cette idéologie passéiste qui venait tenir lieu de théorie critique pour des universitaires et chercheurs anglo-saxons qui n’avaient aucun lien, ni théorique ni pratique, avec l’histoire du mouvement de contestation sociale. Pour ces spécialistes de la nuisance, l’ennemi à abattre n’est pas la société capitaliste-marchande, qu’il faut d’abord penser, mais la société industrielle, qu’il suffit de regarder.
[6] Au point que Riesel et l’EdN sont très fiers de se distinguer de certains de leurs concurrents anti-OGM en ne s’en prenant pas qu’à la recherche et à la manipulation génétiques privées, mais aussi publiques ! Ils publient et affichent même des tracts pour souligner cette étonnante radicalité. Quelle audace, en effet. C’est comme si on osait critiquer l’éducation nationale, ou le CNRS, ou l’Assedic, ou, par exemple, un ministre ! Il faut donc sans crainte pressentir une véritable coupure dans l’histoire française contemporaine : le tabou du public pourrait être entamé, si l’EdN persiste et signe.
[7] On n’en est toujours qu’à 1% d’agriculture biologique en France.
[8] Tchernobyl, Anatomie d’un nuage, Editions Gérard Lebovici, 1987, p. 47 : “ L’entendement “scientifique” n’aime pas voir surgir en face de lui, faisant irruption par le réel, la raison des faits, la raison comme fait, dont il s’était efforcé de construire la méconnaissance établie, la dénégation savante ; cette raison qui lui apparaît comme un double, un impitoyable rival dont l’avance persistante le relègue, malgré ses remarquables progrès de savoir sectoriel, à l’état de superstition animiste devenue pratique ”.
[9] Ibidem, passim.